« Si tu n'arrêtes pas tes imbécillités dans le mois qui suit, tu pourras faire tes bagages, Heaven. »
« C'est comme ça que tu me considères maintenant, comme une imbécile ? Merci papa, ça fait chaud au coeur de voir qu'on me soutient dans cette putain de famille. »
« Surveilles ton langage, jeune fille ! »
« Mon langage ?! Tu plaisantes, là ? Mon père veut me foutre à la porte et la façon dont je parle est le cadet de mes soucis. »

En colère, je tournais les talons et sortit du salon pour emprunter l'escalier qui menait au premier. J'entendis un vague : « Reviens ici tout de suite, Heaven ! » et comme toute réponse, je claquais la porte de ma chambre. Je m'allongeais sur mon lit en regardant le plafond blanc et terne. Tous mes sens étaient en éveil. Il n'y avait absolument aucun bruit dans ma chambre. Je soupirai. Toute cette histoire avait commencé, plusieurs mois plutôt quand j'avais rencontré Romy.
Flash back.
« J'y vais. A ce soir. », dis-je dans le vide.

J'ouvrais la grande porte parfaite de la maison parfaite de la famille parfaite, les Stone. Autant de perfection, ça tuait à la fin. Je me sentais de plus en plus oppressée, j'avais l'impression d'être dans une bulle sans air dedans. J'avais plus que besoin de ma liberté. Sur le trajet du lycée, je me demandais ce que je pouvais faire contre ma famille parfaite. Y avait-il seulement quelque chose à faire contre ça ? Je ne pouvais pas fuguer, pas toute seule, puis si je le faisais, où est-ce que j'allais aller ? Je ne pouvais tout simplement pas faire ça. Attendre d'être majeure ? Non, je ne pouvais décidément pas attendre encore trois ans dans la perfection la plus totale. Perdue dans mes pensées, j'ai failli raté l'ouverture d'un nouveau magasin dans le quartier. Un disquaire. Oh. Mon. Dieu. Je regardais au travers de la vitrine. Il y a avait des centaines et des centaines de pochettes de disques, rangés par genres, groupes et ordre alphabétique. Je me demandais si je pouvais rentrer, ne serait-ce que pour quelques minutes ... juste pour regarder. Je levais le poignet pour voir l'heure. Il restait dix minutes avant la première sonnerie. Peut-être que ... que si j'allais vite, très vite, j'aurai le temps de faire le tour de la boutique ? Non, je ne pouvais pas rater les cours. Papa m'en voudrait. Mais ... si j'arrivais avec seulement cinq minutes de retard, était-ce vraiment grave ? Je me torturais l'esprit pour savoir oui ou non je devais rentrer dans cette fichue boutique. J'étais tellement préoccupée que je n'entendis pas lorsqu'on m'adressait la parole.

« Vous entrez, mademoiselle ? ».

Devais-je entrer ? Est-ce que Papa et Maman le découvrirait un jour ? Et puis, je n'étais pas là pour acheter ...

« Mademoiselle ? »

Je me tournais vers la gauche pour voir qui me dérangeait dans mes réflexions intenses. Un homme, la vingtaine, pas trop moche. Il me tenait la porte de l'entrée de la boutique avec un sourire chaleureux.

« Vous entrez ? », répéta-t-il encore une fois.
« Hmm ... Je ... Oui. », m'étais-je sentie obligée de dire. Je ne savais pas depuis combien de temps il était là à me tenir la porte.

Je pénétrais à l'intérieur. L'inconnu s'en alla dès que j'eus franchi le pas de la porte. Je regardais les murs en tournant sur moi-même, totalement émerveillée. Je n'étais pas facilement impressionnable, mais là ... Wow. C'était encore mieux vu de l'intérieur. Je reconnus la chanson qui passait, c'était Everybody needs somebody to love des Rolling Stones qui venait de sortir récemment. En me dirigeant vers la partie rock, je ne cherchais rien de particulier, je regardais seulement, j'admirais. En fouillant, je tombais sur l'album My Generation des Who. Ils n'étaient pas encore très connus, mais je les adorais déjà. Je tenais la pochette entre mes mains, je n'arrivais tout simplement pas à m'en détacher et à la remettre à sa place. J'avais envie de l'acheter, il fallait que je l'achète, je devais l'acheter. Je regardais encore une fois la pochette, je voyais les têtes de Roger Daltrey, Pete Townshend, John Entwistle et Keith Moon me suppliant d'acheter leur album. Oui, j'allais l'acheter. Je me devais de l'acheter. En relevant la tête, une jeune fille brune me regardait un sourire amusé sur les lèvres. Elle devait avoir mon âge et elle avait surement remarqué le dilemme que me posait l'achat ou justement le non-achat de My Generation. Je sentais le rouge me monter aux joues. Je devais avoir l'air d'une gamine qui hésitait entre acheter une poupée Bild Lilli ou une Tressy.

« Alors, tu vas te décider à l'acheter ? », me dit-elle en s'approchant de moi.

Elle passa derrière moi et regarda le titre de l'album par dessus mon épaule. Il me semblait l'avoir déjà vue quelque part. A Rydell sûrement, mais je n'étais pas sûre, je préférais ne rien dire.

« Les Who, bon choix. »
« Je ... heu ... », finis-je par articuler en me retournant vers elle.

Cette fille dégageait un truc, je ne savais pas exactement quoi, mais elle m'intimididait. Cette fille était tellement ... cool, tellement différente des gens que je fréquentais généralement. Je pris une grande bouffée d'air et essayais de paraître cool.

« Oui. », couinais-je.

Bravo, Eve ... ça c'est de la cool attitude ! Je me sentais encore plus nulle. J'essayais de soutenir son regard et de ne pas tourner de l'œil pour finir par regarder mes chaussures. Je me dirigeais vers le gars barbu dans le coin. Je posais l'album sur la comptoir et lui tendis quelques billets verts. Je mis soigneusement le disque dans mon sac de cours. Lorsque je relevais la tête, elle était encore là, toute souriante.

« Ça te dirait d'aller boire un chocolat chaud ? Ceux de chez Becky's sont les meilleurs. »

Je me retournais. Était-ce à moi qu'elle parlait ? A moi, la fille totalement stressée et qui couinait ? Sérieusement ?

« Pourquoi pas ? », réussis-je à articuler.
Fin du flash back.
Nous avions parler pendant des heures ce jour là, si bien que j'étais rentrée en retard et avais dû trouver une excuse pour l'expliquer.

Toujours sur mon lit, je me redressais, je me demandais ce que j'allais pouvoir faire ce soir. Comme si elle lisait dans mes pensées, j'entendis le petit cri que Romy avait pris l'habitude de faire lorsqu'elle était juste devant chez moi. Un cri, une sorte de mélange d'aboiement d'un chien féroce et d'un miaulement d'un petit chaton. Assez particulier, en effet. Mes parents, tellement stupides, pensaient que c'était un chien qui s'était blessé, mais bien sûr aucun des deux n'étaient assez humain pour aller vérifier si oui ou non, un animal était blessé. Sautant de mon lit, je pris la première mini-jupe que je vis et l'enfilais à la hâte. Je me penchais en avant et passais un coup de brosse dans les cheveux pour leur donner un peu de volume. Je jetais un coup d'oeil au miroir, sexy. Mission look accomplie avec succès. Ma seconde mission était de sortir sans trop me faire remarquer. Je sortis de ma chambre en prenant soin de fermer la porte sans un bruit. Lorsque je me retournais, Alek, mon frère, était là et me regardais fixement. Quel stupide garçon, il m'avait fait peur ! Je posais ma main sur ma poitrice en retenant un petit cri. Le crétin, il était contente de m'avoir fait peur en plus, il souriait. Je levais les yeux au ciel et le contournait pour accéder à l'escalier. Bien qu'il n'ait pas le moindre problème avec nos parents, je savais qu'Alek ne me dénoncerait pas, il m'adorait trop pour ça. Non, je n'exagerais pas, lui et moi on était vraiment proche. Nous n'avons qu'onze mois de différences et pendant un mois, on pourrait nous prendre pour des jumeaux vu que nous avions le même âge durant ce court lapse de temps. Je descendais les marches une à une, priant mentalement pour qu'aucune d'entre elles ne grince sous la pression de mon poids. Ouf. Aucun bruit à signaler. Ma mère ne me verrait sans doute pas, elle était surement dans la cuisine en train de jouer à la femme parfaite. Quant à mon père, je ne savais pas où il était, mais peu importait, j'étais tout près de la porte d'entrée à présent, plus que cinq pas à faire et j'y étais. Quatre, trois, deux ...

« Heaven. »

Zut ! J'étais si près du but, j'aurai pu toucher la poignée de l'immense porte d'entrée si j'avais tendu le bras. Je lâchais un soupir et me retournais vers celui qui se trouvait être, malheureusemet, mon géniteur. J'esquissais un faux sourire.

« Où est-ce que tu vas ... », dit-il en me regardant de la tête au pied, « ... habillée comme ça ? »
« Je sors avec Romy. », dis-je comme si sortir un soir de semaine habillée avec une jupe extra courte était la chose la plus naturelle du monde.

La seule réponse de mon père fut un rire perçant, presque démoniaque, ensuite il était retourné dans le salon, sans rien ajouter de plus. Le connaissant, il avait verrouillé la porte à clef, ce n'était pas la première fois qu'il me faisait le coup. Je remontais lentement vers ma chambre, fatiguée de me battre contre mes parents. Arrivée au niveau de ma chambre, je remarquais qu'Alek avait laissé la porte de la sienne ouverte et qu'il me faisait signe d'entrer. Je pénétrais dans sa chambre qui, il fallait l'avouer, était bien plus ordonnée que la mienne. Alek était vraiment le fils parfait, le fils dont tout le monde rêve : poli, drôle, soigneux, intelligent et sincère. Il n'avait pas l'air de se rendre compte de la bulle de perfection dans laquelle il vivait ... Enfin, lui il faisait partie de ce monde. Non, en fait, il était dedans sans vraiment l'être ... Non, pas que on frère soit un mutant ou un truc du genre, il était juste ... une sorte de caméléon capable d'appartenir à n'importe quel groupe, à s'intégrer partout. Je devais avouer que je l'enviais un peu pour ça.

Sans dire un mot, mon frangin parfait me montrait la fenêtre du doigt. Sans comprendre, je le regardais d'un air perplexe et il leva les yeux au ciel comme si le message qu'il voulait me faire passer était évident.

« Romy est en bas. Tu passes par la fenêtre, à ta droite y a une branche du gros arbre, tu vois celui où y avait la balançoire accrochée. Tu descends de l'arbre doucement sans te casser la figure, je sais que dans ton cas, ça va être difficile et pour remonter, tu fais pareil. »
« Je ne savais pas que tu ... »
« Y a tellement de choses que tu ne sais pas, Eve ... C'est pas parce que j'ai onze mois de moins que toi que j'ai jamais fait le mur, sauf que moi, j'arrive à rester clean devant papa et maman ... »
« Aw, Alek, tu es le meilleur frère du monde, tu le sais, ça ? », dis-je en lui sautant au coup et je le pensais vraiment.
« Je sais. Allez, vas-y, tu fais attendre Romy. »
« Merci, je t'en dois une ! », lui dis-je avant de sortir de sa chambre par la fenêtre.

Non ... Sérieusement, je ne comprenais pas comment Alek faisait pour atterir sans se casser quelque chose. Je m'étais déjà écorchée le genou droit avec une branche en essayant de descendre de l'une d'elle. Je me sentais stupide d'avoir voulu mettre une jupe. Mais le pire dans l'histoire, c'était que Romy était en bas en train de me regarder me débattre avec les branches et les feuilles de l'arbre et elle était morte de rire à la place de m'aider, cette cruche ! Lorsque j'eus enfin atteint le sol, je faillis l'embrasser ou pleurer de joie. J'avais du mettre une bonne vingtaine de minutes pour descendre de ce fichu arbre. Je ne savais pas comment j'allais faire pour remonter après la fête, mais il était certain que je ne passerais pas par cet arbre. Quand Romy eut fini avec sa crise de rire, nous pûmes enfin nous diriger vers l'endroit de la fête, ce n'était pas loin, c'était dans mon quartier, à Beverly Hills, chez un certain Mark ou Steve ... ou quelque chose dans le genre. Peu importait chez qui on allait, le but de la soirée était de s'amuser le maximum ce soir. J'en avais bien besoin, je n'avais pas encore parlé de mon expulsion à Romy, mais je ne le ferai sans doute pas ce soir. Nous étions là pour nous amuser, après tout.

Un gars en t-shirt rouge vint nous ouvrir la porte en souriant, deux verres a la mains qu'il nous tendit. Je pris le mien et le descendit cul sec, avant de pousser celui qui devait se prénommer Mark ou Steve pour entrer.

« Wow. On doit pas s'ennuyer avec toi. »

Je me retournais vers lui. Grand, brun, j'avais du mal à lui donner un âge, pas moche. Il avait plutôt l'air sympathique. Je lui lançais un sourire, qu'il me rendit, avant de partir vers le salon qui semblait bien agité. A peine arrivée et j'avais déjà perdu Romy. Je me tassais dans un coin de la cuisine. Assisse sur le carrelage froid de la cuisine, j'enfilais verre sur verre de ce qui semblait être de la bière bon marché.

J'allais porter un énième verre à mes lèvres quand quelqu'un m'en empêcha. Je relevais la tête pour voir de qui il s'agissait. Le gars au t-shirt rouge. J'avais oublié comment il s'appelait. Il s'assit à côté de moi, en jetant mon verre dans l'évier.

« Brian. », me dit-il avec un sourire aux lèvres.
« Hea ... ther, ouais, Heather. », finis-je par articuler, me retenant de lui vomir dessus.

Hé bien, on était loin du Mark ou du Steve, mais Brian, c'était bien aussi. Je ne savais pas ce qu'il voulait ou plutôt, si je le savais. Je me demandais si il en valait la peine. De toute façon que je fasse quelque chose avec lui ou pas, ça n'irait pas bien loin. J'avais déjà assez de problèmes et une relation n'était pas réellement ce dont j'avais besoin en ce moment. J'avais juste besoin de me changer les idées et de m'amuser un peu, avant de retourner dans cette bulle de perfection. Non pas que j'allais céder à mon père et faire tout ce qu'il voulait, il fallait juste que je me calme en attendant de trouver quoi faire pour me sortir de cette merde.

« Ca te dirait d'aller dans un endroit plus calme ? », dit le fameux Brian en se relevant. Il me tendait la main, toujours souriant.

Je savais très bien où il voulait en venir, mais il n'avait pas l'air méchant ce gars. Puis ... avais-je quelque chose de mieux à faire ?

« Ok. », lâchais-je en lui prenant la main pour qu'il m'aide à me relever.

Je ne savais pas combien de verres j'avais bu, mais mes jambes flageolèrent dès que je fus debout. J'avais du mal à aligner deux pas l'un après l'autre sans que mes genous ne me lâchent et si Brian n'avait pas été là pour m'aider, je serai en train de ramper pour essayer de gravir les escaliers qui menaient au premier. C'était officiel, l'alcool et moi, on était pas amis.

Arrivés au premier, Brian me mena dans une pièce sombre et me poussa sur ce qui semblait être un lit ou un canapé. Il alluma la lumière. Je dus cligner plusieurs fois des yeux pour m'habituer à la forte lumière. Brian s'approcha de moi d'une démarche bizarre, il devait surement penser que c'était sensuel. Lorsqu'il fut assez proche, il posa ses lèvres sur les miennes et me poussa (encore une fois) pour que je sois couchée sur le dos. Ce type ne perdait vraiment pas de temps. J'aurai pu le repousser, mais la question était : En avais-je envie ? Je ne l'avouerai sans doute jamais, mais la réponse devait être 'non'. Quand ses mains commencèrent à devenir baladeuses, j'essayais de lui faire comprendre en dégageant ses mains que je n'avais pas envie d'aller plus loin. Il ne sembla pas comprendre ce que j'essayais de lui dire parce qu'il essaya de mettre sa main sous ma jupe. Je me relevais d'un bond. Peut être trop vite parce que j'avais mal à la tête.

« Je ... Je suis désolée, mais je peux pas. Je ne veux pas. »
« Ok, désolé, je voulais te mettre mal à l'aise. Allez, rassieds-toi. »

Avais-je tort de li faire confiance ? Surement, mais ... Je m'étais quand même assise une nouvelle fois à côté de ce pur inconnu. Nous reprîmes directement là où on s'était arrêté. Il posa sa main sur mon genou, mais je ne dis rien, il avait compris ... Ou apparement pas car il la remonta le long de ma cuisse jusqu'à ma jupe. Je le repoussais.

« Je t'ai dit que je ne ... »

Je n'eus même pas le temps de finir ma phrase qu'il prit mes poignets entre ses mains de façon à ce que je ne puisse pas bouger. Brian se plaça au-dessus de moi et continuait à m'embrasser. Il était lourd, je ne pouvais plus respirer. Je commençais à bouger mes bras et mes jambes dans tous les sens et j'essayais de le repousser. En vain. Il était plus fort que moi. Je priais pour que Romy débarque main dans la main avec un gars trop saoule pour se souvenir de son prénom et puisse me sortir de cette merde. J'avais les larmes aux yeux. J'en pouvais plus. Je commençais sérieusement à manquer d'air quand Brian commença à déboutonner son pantalon. Durant ce bref instant où il lâcha mes poignets, je le repoussais de toute mes forces et sortis de la chambre en courant. Ravalant mes larmes, je dévalais l'escalier et pris la direction de la sortie.

Une fois dehors, je courais jusqu'à chez moi. La nuit était fraîche et la lune était pleine. Tous les mecs sont des connards. Je suffoquais. Je craquais et commençais à pleurer. J'essuyais mes larmes d'un revers de la main. Je me sentais stupide. Franchement, je ne ferai plus confiace à aucun garçon. Absolument aucun. Je n'aurai pas du venir à cette fête, je n'aurai pas du sortir avec Romy ce soir ... Oh non. Romy ... Elle était toujours à la fête, je l'avais laissée à la fête. Je m'en voulais, mais je lui expliquerai tout demain, elle comprendrait ... ou pas. Personne ne pouvait comprendre. Personne à part Alek. En parlant de lui, je me trouvais en face du arbre où, quelques années avant, une balançoire y avait été attachée, puis retirée, après qu'Alek soit tombé de celle-ci en se balançant trop fort. Même si je m'étais promise de ne plus monter ou descendre de cet arbre, mais j'étais bien trop fatiguée pour expliquer à mon père où j'étais et pourquoi, ainsi que le pourquoi du comment je pleurais. Je commençais mon ascension, je me sentais tellement mal que je ne réalisais même pas quand une branche me fouettait le visage ou le genou ... ou n'importe quelle autre partie de mon corps. Arrivée devant la fenêtre de la chambre d'Alek, je la soulevais et pénétrais à l'intérieur. Il était toujours à son bureau à travailler. Il me lança un salut auquel je ne répondis pas. Ma seule réponse fut de retirer mes chaussures et de m'écrouler sur son lit double. Il se retourna vers moi. Je pleurais toujours comme une pauvre chaussette puante abandonnée et complétement sans repair. Alek vint se coucher à côté de moi et me prit dans ses bras.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Même onze mois de moins que moi, Alek resterait toujours le plus mature de nous deux. Il était parfait. Trop parfait et le pire c'était qu'il ne s'en rendait même pas compte ce qui le rendait encore plus parfait. Enfin, si cela était possible.

« Il a recommencé ... le gars qui ... il y a trois ans ... », dis-je en m'aggripant à son t-shirt.
« Tu veux dire celui qui t'as violée ... ? Le même ... ? Je pensais qu'il avait déména ... »
« NON. Je ... Pas le même ... »
« Et il t'a ... touchée ? »
« Je ... Non ... Je ... », murmurais-je avant de sangloter.

Je ne voulais plus en parler. Rien que de me rappeller que ... Je n'avais que treize ans. Il en avait seize. Je trouvais ça tellement cool de sortir avec quelqu'un de plus âgé que moi. Oh, comme j'étais stupide. Il avait un peu bu et on n'avait fait que s'embrasser au début. Il avait été tellement gentil, ou du moins, il avait fait semblant de l'être. Quand il m'avait emmené à l'arrière d'un bâtiment, je me suis laissée faire. Je pensais que ... Enfin, je ne pensais pas à ce moment-là. Quand il a commencé à me toucher, je le repoussais, mais il revenait à la charge, plus agressif. Il m'avait plaquée contre le mur. Je me débattais, mais il était plus fort, il avait trois ans de plus que moi. Je pouvais crier, mais il m'avait assuré que personne ne pouvait nous entendre ici. Quand il en a eut fini avec moi, il m'a laissée tomber sur le sol glacé et il partit sans rien dire. Me laissant là comme un mouchoir usé. J'avais beau prendre dix douches d'affilées, je me sentais ... sale et souillée ... J'avais l'impression que mon corps ne m'appartenait plus et ne m'appartiendrait plus jamais. Je me sentais ... coupable. Je me sentais faible. Tellement faible que je n'ai pu en parler à personne. Seul Alek avait remarqué que quelque chose n'allait pas. Je ne pouvais rien lui cacher, je lui avais tout expliqué et il m'avait écoutée dans un silence presque religieux. Il avait été la seule personne qui avait été là pour moi quand j'en avais le plus besoin.

Le lendemain matin, je m'étais retrouvée dans mon propre lit, habillée avec les vêtements de la veille. Je me redressais, essayant de comprendre ce qu'il s'était passé la veille. Oulà ... J'avais une de ces migraines. J'essayais de me mettre debout et titubais vers la salle de bain. Après avoir pris un bon bain, je descendis en peignoire dans la salle à manger. On était jeudi, mais je trouverai une excuse pour ne pas aller en cours.

« Bonjour, papa. Bonjour, maman. », dis-je un sourire aux lèvres.

Je ne me souvenais pas de ce qu'il s'était passé la veille et c'était peut être mieux comme ça.