Romy. Tout le monde m'appelle Romy, mais en vérité, je m'appelle Roxane. Je l'ai jamais dit à personne, pour la simple & bonne raison que je ne l'ai sut qu'il y a quelques jours, en voyant mon acte de naissance. Mes parents m'avaient appelés Roxane, mais m'ont toujours surnommée Romy, de telle façon que pour moi mon nom c'était juste ces quatre lettres. Sur ma carte d'identité, c'est aussi Romy, car mon grand père s'est trompé lorsqu'il a dut la refaire faire à la mort de mes parents. Bref, tout ça pour dire qu'aujourd'hui, je ne sais toujours pas qui je suis vraiment. Roxane, la fille unique des Lennon -pas John hein, quoi que j'aurais bien aimé !-, ou Romy, la fille paumée qui vit dans une caravane avec son grand-père ? Tout le monde me dit que ce n'est pas en buvant ou en sniffant de la coke que j'en saurais plus sur moi-même. Ils me saoulent tous à me dire ça ! Okay, je fais la conne en me piquant les veines, mais je fais ce que je veux. Il y en a qui bossent comme des malades, des qui cuisinent, d'autres qui courent ... Moi j'me fous en l'air pour décompresser. C'est ma façon, & elle ne regarde que moi.

Ce jour-là, je n'avais rien pris depuis trois jours. Pas parce que je m'étais enfin résolue à être clean plus de quarante-huit heures, mais parce que je n'avais rien. Quand je dis rien, c'est pas même une barre de shit à fumer entre deux cours ! J'étais totalement à sec & j'avoue que je le vivais plutôt mal. J'avais l'impression que je n'étais justement pas dans mon état normal. Quand on a l'habitude d'être stone en permanence, on se sent normal, & quand on est en manque, c'est comme si on était stone pour la première fois. C'est assez dur à expliquer. Comme si tout s'inversait, comme si ma came est ma nourriture. Il était donc urgent pour moi d'aller me ravitailler vite fait auprès de mon fournisseur. Je préfère dire ça que dealer, c'est plus subtile je trouve. Ce dernier se trouvait d'ailleurs pas loin de Hollywood. Drôle d'idée, mais je m'en foutais. Du moment qu'il vendait pour pas trop cher, tout allait.

Je traversais les rues du quartier huppé quand j'entendis une voix, qui me déplut avant même que je ne voie la personne à qui elle appartenait.

« Hey Romy ! »

Oh non pas lui ! Pas encore ce mec ... Je ne pris même pas la peine de lui répondre que j'accélérai & tournait à la première rue sur ma droite. Je le fuyais, comme toujours. Je fuyais ce type, qui m'avait ramassée dans la rue un mois plus tôt, complètement bourrée. Je ne sais pas pourquoi, je lui ai raconté toute ma vie pendant qu'il m'avait ramenée chez lui, & quand je me suis réveillée, je me suis partie à toute vitesse. J'avais honte. Honte de moi, honte de mon passé merdique, & honte de mes actions semi-suicidaires à la noix.

Alors je rajustais mes lunettes de soleil, je sentis une main m'attraper par le bras.

« Mais lâches-moi, merde ! », lui dis-je en le frappant.

Je sais, mes réactions sont assez impulsives, mais je ne supporte pas quand on me touche. Les câlins, les accolades, ou même une tape sur l'épaule, je déteste.

Je ne voulais pas que l'on m'aide. Catégoriquement non ! Chacun ses affaires. Moi je ne suis jamais allée me mêler des petites histoires des autres. Je pars du principe que si l'on appelle pas à l'aide, il ne sert à rien d'envoyer les secours. Donc si je vois que quelqu'un a des ennuis, mais qu'il ne semble pas chercher à ce qu'on lui prête main forte, je passe mon chemin. Ca devrait être pareil pour Arthur je trouve. Il devrait se trouver une activité au lieu de perdre son temps à me courir après comme si j'étais une demoiselle en détresse. Pfff, tout ça uniquement parce que je me suis confiée à lui lors d'un grand moment de solitude. Je regrette beaucoup cette soirée, surtout depuis qu'il me coupe la circulation du sang avec sa grosse main de mec. Non, je n'exagère pas, il a réellement une force herculéenne celui-là ! Je commençais d'ailleurs à avoir peur qu'il me prenne sur son épaule comme une vulgaire sac à patates pour me séquestrer chez lui.

« Tu vas quand même pas encore une fois de plus t'enfuir non ? »
« Oh c'est bête mais c'est justement ce que j'allais faire ! » lui répondis-je d'un ton désinvolte. « Allez, ciao ! »

Ma réponse était inutile. Premièrement parce qu'il me tenait toujours le bras, & deuxièmement parce que de toute façon, il aurait tôt fait de me rattraper & de me retenir à nouveau contre mon gré. Je tentai tout de même de faire ne fût-ce qu'un pas ... en vain : je n'avais pas bougé d'un centimètre. Non mais quel pot de colle celui-là alors ! J'avais presque envie de le frapper à nouveau. Mais là aussi, cela n'aurait servit à rien car je n'ai aucune force. Je n'arriverais même pas à faire mal à une mouche. En général, rien que mes mots arrivent à faire peur & à éloigner les gens. Mais c'était sans compter sur Arthur. Lui, ça le faisait même rire ! Car c'était bien un sourire que je voyais sur son visage. Un grand sourire, du genre "Ah mais qu'est-ce qu'elle est marrante celle-là !". Je me sentais encore plus honteuse. Honteuse & bloquée. Je ne pouvais rien faire tant que j'étais sous l'emprise de ses mains, mais je ne pouvais rien faire non plus pour m'en libérer ...

« Allez reste avec moi pour une fois au lieu de te barrer. » me dit-il.
« Dans quel but ? » lâchais-je enfin après quelques secondes de silence. « Ca y est, Monsieur connaît le triste passé de la pauvre Romy, du coup il veut absolument l'aider ! Nan mais c'est quoi ton problème à la fin ? Tu sais tout, tu veux aussi voir mon carnet de vaccination c'est ça ? Fais gaffe, parce que je me rappelle pas avoir été vaccinée contre la rage & je suis sur le point de MORDRE LAAA ! »

J'avais hurlé pour les deux derniers mot. En fait, l'intonation de toute ma phrase était allée en crescendo, au fur & à mesure que mon agacement grandissait. A sa place, je serais déjà partit en courant. Mais lui il restait planté là, avec sa tête de peace & love. C'est peut-être parce qu'il était un hippie qu'il se montrait aussi patient & optimiste en ce qui me concernait. Quelqu'un d'autre m'aurait envoyée chier depuis un moment, mais pas lui. Arthur continuait de me parler alors que je l'insultais & le frappais, tel un grand frère voulant aider une petite soeur revêche. Etonnant ... Pour ça, je décidai tout de même de m'excuser :

« Désolée, je ne voulais pas dire ça. C'est à cause de ... du vent. Je hais le vent. »

Je n'allais tout de même pas lui dire que c'était parce que j'étais en manque que je me montrais aussi agressive. A coup sur il m'aurait séquestrée. Mais je sentais que mon front d'humidifiait de plus en plus, & que mes mains tremblaient légèrement. Je devais absolument me débarrasser de lui, car sinon je ne pourrais même pas avoir ma dose aujourd'hui ...

« T'as une sacrée voix toi dit donc, ça arrache les tympans. » avait-il dit en riant.

Sa bonne humeur me donnait quarément envie de me pendre. C'était déconcertant, décourageant. Cela ne me donnait plus envie de me battre contre lui. Le fait de le fuir & de tout faire pour qu'il me lâche me fatiguait & me faisait presque devenir folle. C'est vrai, à chaque fois que je voyais un garçon avec des boucles brunes, assez grand & bien bâtit, j'avais peur que ce soir Arthur, & pour ne pas prendre de risque, je prenais la fuite. Je me sentais, tel un pauvre petit lapin poursuivit par un loup. Vraiment déroutant. Je n'avais jamais vécut ça. D'habitude je marche libre, n'ayant peur de rien ni de personne, & là j'avais l'impression d'être traquée. Mon dieu Arthur, tu ne peux pas savoir à quel point tu rends ma vie insoutenable ...

« T'as vraiment rien compris, je veux pas t'aider, je veux juste te parler ... en amis. C'est pas trop demander j'espère ? » continua-t-il.

Je sais pas si cette phrase ne venait pas de l'enfoncer encore plus. Merci beaucoup Arthur, tu veux juste me parler & me laisser pourrir dans ma vie pourrie. Cool ! Bon d'un côté, je ne voulais pas qu'on m'aide, mais ça fait vraiment bizarre de se l'entendre dire. Je suis vraiment naze sur les bords. Quand je veux quelque chose & que je l'ai, ça va toujours pas. On peut à nouveau voir à quel point, moi, Romy Skye Lennon, de Los Angeles, je suis une chieuse en puissance. Cela me fit à nouveau baisser la tête. Je regardais sa main, pressant mon bras. Pfff, ça allait me faire encore un super bleu ça d'ailleurs ...

« Ça te dit de prendre un verre chez moi ou tu préfères me mordre ? »
« HAHA très drôle ! » commençai-je en réponse à sa blague. « Bon, un verre, mais pas plus hein ! J'ai des trucs à faire moi ... »

Arthur avait de quoi se sentir fier à cet instant. Il avait enfin réussit à me faire craquer. Je crois bien que c'est la première fois que je ne lui parlais pas sans le frapper, l'insulter ou l'envoyer chier. Une grande première ! D'un côté je m'en voulais un peu de me montrer aussi méchante avec quelqu'un d'aussi doux & bien intentionné. Encore un soupir. J'avais bien envie de m'excuser à nouveau, sincèrement cette fois, mais ma fierté m'en empêchais. Moi & mon foutu caractère ...

Il m'indiqua d'un geste de la main où se trouvait sa maison. De toute façon, je savais où elle était, je l'avais vu en sortir. Je le suivit timidement parcourir l'allée devant sa porte, puis j'entrai dans sa demeure. Ca sentait bon. Je ne sais pas quoi exactement, mais j'aimais bien. Peut-être le confort, la sécurité, la famille ... Tout ce qu'il n'y avait pas dans ma caravane. Je n'ai pas souvent été invitée chez des gens bien. La plupart on peur de moi. Peur que je convertisse leurs enfants à ma musique de dingue, ou à mes consommations peut recommandables. Un peu comme pour Heaven. Elle qui va sûrement devoir être contrainte de me rejoindre dans mon mobil-home si elle n'arrête pas de me fréquenter. Pour ça je suis heureuse de ne plus avoir de parents. Au moins, j'ai plus de liberté !

En entrant dans le salon, je découvris quatre personnes autour d'une table. Leurs regards bienveillants m'inspirèrent tout de suite confiance. Ce n'étaient ni les dealers ni les psychopathes que j'avais l'habitude de fréquenter. C'était des personnes normales, dans une maison normale, autour d'une table normale ... Bref ! Dans un environnement normal.

Arthur n'avait pas trop l'air de vouloir s'attarder sur les présentations. Je me regardais dans un miroir sur le mur de ma droite & vis qu'elle tête j'avais : mes cheveux n'étaient pas vraiment coiffés, du moins pas comme il le fallait, & ma peau avait une teinte presque cadavérique. Je pense que si je ne respirais ni de bougeais, on aurait put me prendre pour une morte, ou une statue. Je devais sûrement faire peur à tout le monde. C'est souvent l'effet que je fais aux gens respectable. Enfin, les gens un peu restreints dans leur tête comme j'aime à les appeler. Ceux qui n'ont pas l'esprit ouvert ou qui ne sont tout simplement pas tolérants envers la nouveauté, le progrès ou la différence. & la plupart du temps, ceux qui ne m'acceptent pas n'acceptent pas non plus la communauté noire américaine. C'est regrettable car ce racisme à déclenché de nombreuses émeutes dans le quartier de Watts dernièrement. Beaucoup de personnes sont mortes. Franchement, si j'avais été un homme, je serais allé me battre auprès de ces personnes qui défendent leur couleur de peau & leurs droits. Mais étant donné que je suis une femme, & pas très agile & débrouillarde, je les aurais plus freinés qu'autre chose ... Moi & ma très chère manie de faire des gaffes ...

J'avais eu envie de donner une tape dans le dos d'Arthur quand il a dit le mot amie. Juste pour le remettre à sa place, lui rappeler que je n'étais là que parce que je savais qu'il ne me servirait à rien de fuir. Mais je n'en fis rien. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Etait-ce parce que j'étais intimidée par la présence de membres de sa famille ? Ou bien étais-je trop en manque pour réagir assez rapidement ? Je ne peux toujours pas y répondre. Je pense que c'était parce que dans le fond j'appréciais Arthur. Il dégageait quelque chose qui forçait tout le monde à avoir confiance & à éprouver de la sympathie pour lui.

Je le suivis dans son salon & attendis pas qu'il me propose de m'asseoir sur l'un des gros canapés. Je n'attendais que cela, j'étais fatiguée. Le manque sûrement.

« Fais pas attention à eux, ils sont un peu bizarre. » me dit-il en montrant d'un signe de la tête l'endroit où je pouvais m'installer. Ma tante ramène toujours des gens complètement déplacés mentalement.
« Pas de problème, chez moi c'est pire je pense. répondis-je.

J'avais raison. Chez moi c'était réellement un endroit à ne pas montrer aux gens du lycée ou n'importe qui d'autre. Une caravane dans un tout petit terrain, entourée de quelques pieds de cannabis & autres plantes douteuses. & puis mon grand-père est pas mal dans son genre aussi ! Je ne sais pas trop comment le décrire, hormis que je peux dire qu'il est adorable & farfelu.

« Café, thé, chocolat chaud ? Tu prends quoi Romy ? me proposa alors Arthur.
« Une bi .... Un café pour moi s'il te plait. »

Mon dieu ! J'ai faillit lui demander de me servir une bière bien fraiche ! Quelle erreur j'aurais faite ! Je ne suis pas souvent gênée de ce que je suis, mais là je l'aurais été franchement ! Une fille qui boit une bière chez un gars qu'elle connait à peine, alors qu'il a de la famille juste à côté quoi ... L'horreur. Je regardais Arthur l'air de rien, pour me rendre compte qu'il avait tout de même compris le début de ma phrase. Du moins c'est ce que j'interprétai en voyant son air amusé.